Consortium PEGASE
Contexte
En 2024, EPI-PHARE et son Conseil scientifique ont souhaité mettre en synergie et financer un consortium d’équipes de recherche académiques indépendantes pour étudier l’utilisation, le mésusage et les risques des antalgiques en vie réelle, et dont le coordonnateur sera l’interlocuteur privilégié des autorités de santé. Ce consortium devait proposer un environnement, une stratégie et un programme de travail qui permette de répondre en tout ou partie aux questions prioritaires ci-dessous.
I. Trajectoires d’utilisation des antalgiques
Parmi les antalgiques utilisés en France, le tramadol est le plus utilisé des analgésiques apparentés aux opioïdes ou aux analgésiques de niveau 2. Ce médicament ne bénéficie pas du même encadrement réglementaire que les opioïdes dits forts en termes de conditions de prescription et de délivrance, et son « historique » catégorisation en opioïde dit « faible » contribue à sa banalisation.
En articulation avec le tableau de bord de l’utilisation des antalgiques qui sera développé et publié par EPI-PHARE, il est nécessaire de disposer d’informations à jour sur l’évaluation de la consommation (incidence et prévalence), les trajectoires et les conséquences cliniques de l’utilisation des médicaments antalgiques, plus particulièrement la codéine et le tramadol.
II. Prégabaline et gabapentine
En 2020, la Société française d’études et de traitement de la douleur (SFETD) a révisé ses recommandations pour la prise en charge de la douleur neuropathique en « rétrogradant » la prégabaline et en positionnant la gabapentine en première ligne.[1] En mai 2021, de nouvelles conditions de prescription et délivrance des médicaments à base de prégabaline ont été édictées par l’ANSM afin d’en limiter le mésusage. Depuis cette date, la prégabaline doit obligatoirement être prescrite sur une ordonnance sécurisée et la durée de prescription des médicaments à base de prégabaline est limitée à 6 mois.[2]
Dans ce contexte, il est nécessaire de disposer des trajectoires d’utilisation de la gabapentine et de la prégabaline, de ses déterminants (sociodémographiques, médicaments psychotropes et antalgiques associés,…) et d’identifier les situations de mésusage, d’abus et autres conséquences sanitaires.
III. Prescription des antalgiques en lien avec l’évolution de l’organisation sanitaire et des politiques de santé
L’amplification du virage ambulatoire, avec des durées d’hospitalisation plus courtes mais également un relai hôpital-médecine de ville plus complexe, peut favoriser l’errance thérapeutique des patients et aboutir à des situations de mésusage des antalgiques à la sortie d’hôpital. En particulier, deux secteurs nécessitent des travaux plus approfondis pour appréhender tous les aspects de l’utilisation et des trajectoires d’utilisation des antalgiques.
- La chirurgie, et notamment la chirurgie ambulatoire, pour laquelle il est nécessaire d’étudier la persistance des traitements antalgiques alors même que ces interventions sont souvent elles-mêmes à visée antalgique.
- L’oncologie, où la prévalence de la douleur chez les patients atteints de cancer, tous stades confondus, est de 50%, avec une tendance à l’augmentation au fur et à mesure de l’évolution pour concerner 75% des patients. Il est ainsi nécessaire d’étudier i) l’adéquation entre la prévalence de la douleur et sa prise en charge par les antalgiques (traitement de fond, traitement correcteurs associés,…), ii) les risques de surdoses, d’intoxications aux opioïdes, de troubles de l’usage dans cette population, iii) la poursuite des traitements antalgiques chez les patients en rémission/guéris et iv) les risques d’interactions médicamenteuses inutiles ou dangereuses en pratique courante et les effets indésirables en situation réelle conduisant par exemple à une hospitalisation
IV. Études auprès des professionnels de santé
Au-delà de l’étude de l’utilisation et des trajectoires d’utilisation des antalgiques par les patients, il est capital d’identifier plus finement le recours aux soins dans la prise en charge de la douleur, les motifs cliniques de prescription, les doses utilisées par le patient, les modalités d’obtention des médicaments (prescriptions, et non prescriptions – notamment accès internet), le recours à des outils de repérage (échelles ORT/POMI)… Dans ce cadre, des études directement auprès des professionnels de santé (médecins, pharmaciens), en ville et à l’hôpital, permettront de compléter le panorama de l’usage des antalgiques en France.
EPI-PHARE et son Conseil scientifique ont également identifié le besoin de mieux connaitre la perception et le fardeau de la douleur et son évolution en France. Ces questions nécessitent toutefois des travaux de recherche qui n’entrent pas dans le cadre de cet appel à projet.
Le consortium PEGASE (ProgrammE d’investiGation sur les Antalgiques et SurveillancE), coordonné par le Dr. Maryse Lapeyre-Mestre (CHU de Toulouse), a ainsi été sélectionné en 2024 dans le cadre de l’appel à candidatures « Surveillance de la prescription et de l’usage des antalgiques en France ».
Consortium PEGASE
La prévalence de la douleur, l’utilisation massive des antalgiques, l’évolution de leur panorama et du contexte sanitaire global (hospitalier et libéral), les données nationales évolutives d’addictovigilance constituent les principaux éléments justifiant, en France, la mise en oeuvre d’un programme ambitieux d’investigation sur les antalgiques et leur surveillance ciblant justement ces évolutions.
C’est l’objectif et le défi de PEGASE (ProgrammE d’investiGation sur les Antalgiques et SurveillancE) et de son consortium, coordonné par le Dr Maryse Lapeyre Mestre, forte de son expérience de plus de 20 ans en pharmacoépidémiologie, assurant notamment l’expertise nationale de l’oxycodone et des gabapentinoides, et ayant réalisé en France les premiers travaux de pharmacoépidémiologie sur les antalgiques.
Les trajectoires d’initiation des antalgiques, le recours aux antalgiques en chirurgie pédiatrique, en contexte de chirurgie à visée antalgique (syndrome du canal carpien, prothèse du genou), dans la lombalgie chronique, les trajectoires d’utilisation dans le cancer de la prostate et dans le cancer du sein constituent les principaux champs d’investigation de PEGASE. La justification de ces choix repose essentiellement sur la volonté de cibler au mieux les problématiques les plus prévalentes, qui peuvent représenter des priorités de santé publique pour lesquelles la proposition d’actions basées sur des données factuelles solides et les plus récentes serait la plus efficiente. Un éclairage particulier y sera également intégré, portant sur des sujets d’actualité concernant le tramadol (modifications du conditionnement) et les gabapentinoides (prégabaline, gabapentine).
Ce consortium s’appuie sur 6 équipes de recherche avec une expertise reconnue en pharmacoépidémiologie au niveau national et international, et une expérience sur la problématique des médicaments antalgiques, sur laquelle repose la répartition des 8 WP :
- i. le service de pharmacologie médicale du CHU de Toulouse, coordination-WP1, M Lapeyre-Mestre ; WP4-Douleurs ostéo-articulaires et post opératoires, M Lafaurie ; WP8 – Usage et mésusage des gabapentinoides : E Jouanjus
- ii. le service de Pharmacologie de l’AP-HM à Marseille: WP2- trajectoires d’initiation des antalgiques opioïdes, et facteurs de transition, T Soeiro
- iii. Le centre d’investigation clinique 1426 de l’AP-HP à Paris: WP3- antalgiques en chirurgie pédiatrique, F Kaguelidou
- iv. l’équipe DRIVE de l’IRSET à Rennes : WP5 -Antalgiques et oncologie, LM Scailteux
- v. le DUMG de l’Université de Toulouse : WP6 – Prescriptions des antalgiques opioïdes par les médecins généralistes, J Dupouy
- vi. le service de Pharmacologie de Bordeaux : WP7 – Dispensation des opioïdes de 1ère intention à l’officine, A Daveluy
Cette expérience sera une plus-value incontestable pour la mise en œuvre de ce programme de travail, permettant d’éviter des redondances et d’explorer plus finement des champs/problématiques insuffisamment explorées, en combinant des approches sur bases de données (SNDS, Cohorte Constance, P4DP) et des études directement auprès des professionnels de santé (Pharmaciens). Le consortium s’appuiera sur son Comité scientifique constitué des responsables des WP ainsi que d’experts académiques de disciplines particulièrement concernées par les antalgiques, et également sur son Comité de Pilotage constitué des responsables des WP et des représentants d’EPI-PHARE et de l’ANSM.