Suivi de l’utilisation de la prophylaxie pré‐exposition (PrEP) au VIH
Étude à partir des données du SNDS - Actualisation des données jusqu’au 30 Juin 2021.
A l’occasion de la Journée mondiale du SIDA 2021, EPI-PHARE publie la mise à jour des données d’utilisation de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH par Truvada® ou génériques en France jusqu’au 30 juin 2021.
Depuis 2017, EPI-PHARE réalise le suivi annuel de l’évolution de l’utilisation de Truvada® ou génériques pour une prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS). Le présent rapport fournit une actualisation de ce suivi jusqu’au 30 juin 2021, incluant donc le second semestre 2020 et le premier semestre 2021, marqués par la survenue de la deuxième et de la troisième vague de l’épidémie de COVID-19 en France. Les chiffres mettent en évidence un infléchissement marqué et durable dans la dynamique de diffusion de la PrEP en France depuis le début de l’épidémie de COVID-19, bien qu’une reprise semblait se dessiner au début de l’été 2021. Ils montrent aussi que la PrEP est restée l’apanage des HSH, sans s’étendre aux autres catégories de population qui pourraient en bénéficier.
Les résultats actualisés montrent que suite à l’effondrement des initiations de PrEP lors de la première vague de l’épidémie de COVID-19 au printemps 2020, la diffusion de la PrEP a repris au cours de la dernière année en France, mais en marquant un net ralentissement par rapport à la période précédant l’épidémie. Ainsi, au 30 juin 2021 le nombre de personnes de 15 ans et plus ayant initié un traitement par Truvada® ou génériques pour une PrEP a atteint 42 159, soit une hausse de 42% par rapport au chiffre de fin juin 2020, alors que l’augmentation du nombre des initiations entre juin 2018 et juin 2019 avait été deux fois plus forte (+83%).
Comme rapporté dans le précédent rapport en 2020, les initiations de PrEP s’étaient effondrées aux mois de mars, avril et mai 2020 pendant la période du premier confinement national dû à l’épidémie de COVID-19, avec une chute atteignant 40 à 80% par rapport aux mois de janvier et février 2020, vraisemblablement en lien avec une moindre accessibilité aux services de soins pendant la période du confinement mais aussi un niveau d’exposition au risque sexuel d’infection VIH diminué.
Les chiffres actualisés jusqu’au 30 juin 2021 montrent que les initiations de PrEP ont repris au cours des 8 mois suivant la fin du premier confinement (de juin 2020 à janvier 2021), mais en stagnant durablement au niveau observé avant le début de l’épidémie. Ceci laisse penser qu’à cette période, dans la mesure où les prises de risque avaient probablement repris, le niveau de couverture préventive par la PrEP pourrait avoir baissé. Une tendance à la reprise d’une hausse des initiations s’est dessinée à partir de février 2021 et plus particulièrement au mois de juin 2021, marqué par la sortie de la troisième vague de l’épidémie de COVID-19 et par l’élargissement de la primo-prescription de la PrEP à tous les médecins, notamment les généralistes.
Ces résultats confirment l’impact majeur de l’épidémie de COVID-19 sur l’utilisation des produits de santé et plus particulièrement de la PrEP déjà rapporté précédemment par EPI-PHARE.
Parmi les utilisateur.trice.s en renouvellement au cours du second semestre 2020 et du premier semestre 2021, plus de 85% avaient utilisé la PrEP au semestre précédent, indiquant que le niveau de maintien du traitement d’un semestre à l’autre a été conservé pendant cette période, à la différence de ce qui s’était produit au premier semestre 2020. Toutefois, les résultats montrent que, de façon persistante depuis le début de l’utilisation de la PrEP en France en 2016, pour une part substantielle des utilisateur.trice.s (de l’ordre d’un quart) le nombre de délivrances de renouvellement dans les 6 mois suivant l’initiation de la PrEP ne permet de couvrir que moins de la moitié du temps, suggérant une utilisation occasionnelle ou interrompue. L’impact majeur des interruptions de traitement sur le niveau de prophylaxie en vie réelle de la PrEP a été mis en évidence dans un travail récent mené par EPI-PHARE.
Au cours de la période la plus récente, les initiations de PrEP ont concerné un peu plus souvent qu’auparavant des jeunes âgés de moins de 35 ans, des personnes résidant en dehors de l’Ile-de-France ou des grandes métropoles, et des bénéficiaires de la CMU complémentaire. Les utilisateur.trice.s de la PrEP restent principalement des hommes, âgés de 36 ans en moyenne, résidant en Ile-de-France ou dans une grande métropole et parmi lesquels la proportion de bénéficiaires de la CMU complémentaire (indicateur de situation socio-économique défavorable) ou de l’AME est faible. Il est raisonnable de faire l’hypothèse qu’il s’agit principalement d’HSH. Au cours de la dernière année, l’utilisation de la PrEP ne s’est donc pas étendue aux autres groupes de population qui pourraient en bénéficier particulièrement, notamment les personnes résidant dans les DOM, les usager.ère.s de drogues injectables, les travailleur.se.s du sexe, ou encore les personnes avec une vulnérabilité exposant à des rapports sexuels non protégés à haut risque de transmission du VIH.
La prescription de PrEP (en initiation et en renouvellement) par des prescripteurs exerçant en dehors de l’hôpital (en CeGIDD ou en libéral) a nettement augmenté au cours de la dernière année. Toutefois, l’initiation et le renouvellement de la PrEP sont restés très majoritairement effectués à l’hôpital (respectivement dans 87% et 79% des cas). Il convient de noter que les informations concernant les délivrances de PrEP par les CeGIDD non hospitaliers (autorisée depuis juin 2016), parce qu’elles ne donnent pas toujours lieu à un remboursement, ne sont pas systématiquement comptabilisées dans le SNDS. Toutefois, les informations disponibles laissent penser que la sous-estimation qui en résulte est limitée.
Conformément aux recommandations, l’initiation de la PrEP s’accompagne le plus souvent (dans 70% des cas) d’un contrôle de la fonction rénale. Ce contrôle de la fonction rénale à la mise sous PrEP a été moins fréquemment réalisé en 2020 et au cours du premier semestre 2021 que précédemment, probablement en lien avec l’engorgement des laboratoires d’analyses biologiques dans le contexte de l’épidémie de COVID-19. Les co-prescriptions de médicaments néphrotoxiques restent peu fréquentes (16% des initiateur.trice.s). Depuis le premier semestre 2020, la fréquence de ces co-prescriptions a sensiblement baissé, reflétant probablement un phénomène temporaire de réduction de l’utilisation de certains médicaments néphrotoxiques d’usage fréquent, notamment les AINS, en lien avec l’épidémie de COVID-19. En effet, l’utilisation des AINS a été fortement réduite pendant l’épidémie suite à une mise en garde émise par les autorités sanitaires françaises pour un risque potentiel d’aggravation du COVID-19.
En conclusion, ces chiffres actualisés mettent en évidence un infléchissement marqué et durable dans la dynamique de diffusion de la PrEP en France depuis le début de l’épidémie de COVID-19, bien qu’une reprise semblait se dessiner au début de l’été 2021. Jusqu’en juin 2021, la PrEP est restée l’apanage des HSH, sans s’étendre aux autres catégories de population qui pourraient en bénéficier. La poursuite du suivi de l’utilisation de la PrEP à partir des données du SNDS permettra d’évaluer dans quelle mesure la généralisation à partir de juin 2021 de l’initiation de la PrEP à tous les prescripteurs, notamment aux médecins généralistes, permettra une plus grande accessibilité à la PrEP pour toutes les populations concernées en France.
Retrouvez les données actualisées au 30 juin 2021 de l’utilisation de Truvada® ou génériques pour une prophylaxie pré‐exposition au VIH.
Billioti de Gage, S. et al. (2022). The Lancet Regional Health – Europe, 22, 100486.