Contexte

La vasectomie est une méthode contraceptive masculine considérée comme définitive, consistant en l’interruption des canaux déférents afin d’empêcher le transport des spermatozoïdes. Il s’agit d’une intervention courte, sans contre-indication absolue, autorisée depuis 2001 en France. Le recours à la vasectomie est largement utilisé et étudié dans certaines régions du monde, notamment dans les pays anglo-saxons, contrairement à la France où il existe un manque d’information sur les hommes qui ont bénéficié de cette opération.

Objectif

Établir un état des lieux du recours à la vasectomie chez les hommes en France entre 2010 et 2022 et comparer les taux de stérilisations masculine et féminine (ligature des trompes et pose d’implants intra-tubaires) sur la même période, en utilisant les données du Système National des Données de Santé (SNDS).

Méthodes

Les actes remboursés de stérilisations réalisés en France auprès d’hommes et de femmes âgés de 18 à 70 ans ont été identifiés dans le système national des données de santé (SNDS). Dans un premier temps, une comparaison de l’évolution dans le temps des pratiques des stérilisations chez les hommes et chez les femmes (stérilisation tubaire par ligature des trompes de 2010 à2022, ou pose d’implants avant 2017) a été effectuée. Les caractéristiques sociodémographiques et médicales des hommes ayant bénéficié d’une vasectomie ont été répertoriées : âge, département de résidence, année de la chirurgie, affiliation à la Complémentaire santé solidarité (C2S, anciennement CMUc), indice de défavorisation sociale, mode d’hospitalisation, antécédents et pathologies associées (cardiovasculaires, psychiatriques, oncologiques). Nous avons exprimé le nombre de vasectomies réalisées par région pour 100 000 habitants.

Nous avons aussi recherché l’existence d’une procédure de conservation de sperme avant vasectomie et d’un spermogramme en post-opératoire, une utilisation d’anesthésiques locaux et d’antalgiques oraux, l’existence d’une complication locale infectieuse et vasculaire à type d’hématome, ou un kyste spermatique ou une hydrocèle dans l’année post-chirurgie. Nous avons également recherché un acte de réversion de vasectomie (vasovasostomie) ainsi qu’un acte de prélèvement de spermatozoïdes par ponction, et calculé l’incidence de ces actes sur 1 000 personnes-années.

Résultats

Au total, 109 544 vasectomies et 398 080 stérilisations féminines ont été réalisées entre 2010 et 2022 chez des personnes âgées de 18 à 70 ans et résidant en France. Pour la première fois dans notre pays, il y a eu davantage de stérilisations masculines que de stérilisations féminines en 2021 et en 2022. Le nombre de vasectomies a augmenté chaque année depuis 2010, passant de 1 940 vasectomies en 2010 à 30 288 en 2022, soit une multiplication par quinze. En rapportant ces chiffres aux données de population de l’INSEE, l’incidence de la vasectomie est passée de 9,8 vasectomies pour 100 000 hommes âgés de 20 à 70 ans en 2010 à 149,5 pour 100 000 hommes en 2022.

Inversement, le nombre de stérilisations féminines a été divisé par deux, de 45 138 stérilisations en 2013 à 20 325 en 2022. Pour la première fois dans notre pays, il y a eu davantage de stérilisations masculines que de stérilisations féminines en 2021 et en 2022. En 2022, trois stérilisations masculines ont en effet été pratiquées pour deux stérilisations féminines.

La moyenne d’âge des hommes lors de la vasectomie était de 41,7 ans (écart-type = 6,6) ; cette moyenne d’âge a diminué progressivement de 44 à 41 ans entre 2010 et 2022. Les hommes opérés pour vasectomies vivaient majoritairement dans les communes les plus favorisées socialement et étaient peu affiliés à la C2S (ex-CMUc) (3,4%). Les vasectomies ont été pratiquées de façon croissante en chirurgie ambulatoire (99,2% en 2022).

Rapportés à la population d’hommes âgés de 20 à 70 ans, les Pays de la Loire (331,3 pour 100 000 hommes) et la Bretagne (271,5/100 000) ont été les régions où les taux de pratique de vasectomie étaient les plus élevés sur les 13 années étudiées. A l’inverse les taux ont été les nettement plus faibles dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (130,4), Hauts-de-France (127,4), Corse (59,2) et Île-de-France (58,0). Il y avait ainsi, rapporté à la population, près de six fois moins de vasectomie en Ile-de-France qu’en Bretagne.

Autour de la vasectomie, un acte de cryoconservation de sperme a été retrouvé pour 6,8% des hommes (n= 7 503). Un spermogramme de contrôle a été réalisé chez plus de deux hommes sur trois dans les suites de la vasectomie (64,7%). Un homme sur dix a utilisé des antalgiques oraux dans la même période. Si on exclut les hommes qui avaient déjà recours à ces antalgiques dans les 12 mois avant la vasectomie, seuls 3,4% ont eu une utilisation incidente d’antalgiques oraux dans la période suivant le trimestre post-opératoire. Les complications détectables dans le SNDS dans l’année postvasectomie sont rares (un homme sur 100), parmi lesquelles nous retrouvons 0,2% de complications type hématome local, 0,4% d’infections locales, 0,2% de kystes ou d’hydrocèles. L’incidence brute de la vasovasostomie (207 hommes de la cohorte) est estimée à 0,56 [0,49-0,65] pour 1 000 personnesannées, et l’incidence d’un prélèvement de sperme par ponction (125 hommes) à 0,34 [0,28-0,41] pour 1 000 personnes-années.

Conclusion

Alors que la vasectomie connaît un déclin mondial, en particulier dans les pays où elle était traditionnellement plus répandue comme dans les pays anglo-saxons, la France semble progressivement combler son retard avec une augmentation significative du recours à cette méthode, bien que les niveaux demeurent encore inférieurs à ceux des pays leaders en matière de contraception définitive.

Il apparait que le nombre de vasectomies pratiquées en France augmente de façon importante depuis 2010, la prévalence des vasectomies annuelles dépassant le nombre de stérilisations féminines pour la première fois depuis 2021. Notre étude, inédite à l’échelle nationale, apporte des informations rassurantes quant à la sûreté des opérations de vasectomies pratiquées en chirurgie ambulatoire.